Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

samedi 21 mars 2015

Plaidoyer pour les femmes

Après la sotte journée de la femme, voici la plus nécessaire journée de la poésie. Une bonne occasion de montrer Christine de Pisan, la première de nos grandes féministes. Elle écrivait au XIV° siècle...



 Or, sont ainsi les femmes diffamées
Par moult gens et à grand tort blâmées
Tant par bouche que par plusieurs écrits ;
Oui, qu’il soit vrai ou non, tel est le cri !
Mais, moi, tout le grand mal qu’on en a dit
Ne trouve en aucun livre ni récit
Qui de Jésus parle, soit de sa vie,
Soit de son trépas pourchassé d’envie ;

…. Mieux, l’Evangile, des femmes témoigne
Beaucoup de bien et maint haute besogne,
Grande prudence, grand sens et grand constance,
Parfaite amour, en foi digne arrestance,
Compassion, fervente volonté,
Ferme et entier courage enraciné
A Dieu servir et vraye preuve en firent
Car, mort ou vif, aucuns ne l’acceuillirent,
Fort des femmes fut de tous délaissé
Le doux Jésus, navré, mort et blessé.

… Quel mal font-elles qui puisse être honni ?
N’ont-elles pas mérité paradis ?

… Communément ne me fait-on pas règle
Et qui voudra par histoire ou par Bible
Me quereller en me donnant exemple
D’une ou de deux ou de plusieurs ensemble
Qui ont été réprouvées et males
-Encore sont-elles fort anormales
Mais je parle selon le commun cours.
Bien rares sont qui usent de tels tours.

… Laissons donc dire messieurs les prêcheurs,
J’affirme, moi, qu’elle n’on pas le cœur
Enclins à çà ni à cruauté faire
Car nature de femme est débonnaire,

…. Dévote, aimable, de paix soucieuse,
La guerre craint, simple ou religieuse.

 Et puisque n’ont pas dispositions
Pour faits de sang ou pour occisions
Ou d’autres grands pêchés laids et horribles,
Sont femmes innocentes et paisibles.

… Par ces preuves justes et véritables,
Je conclu que tout homme raisonnable
Doit les femmes priser, chérir, aimer ;
Qu’il ait souci de ne jamais blâmer
Celle de qui tout homme est descendu.
Ne lui soit le mal pour le bien rendu.

… C’est sa mère, c’est sa sœur, c’est sa mie,
Ne sied pas qu’il la traite en ennemie ;

… De ce s’abstienne tout noble courage
Car gain n’en peut venir, mais lourd dommage,
Honte, dépit et mainte vilenie ;
Qui tel vice a n’est pas de ma mesnie….

Extrait de l’Epître au Dieu d’Amour


1 commentaire:

manouche a dit…

"Débonnaire" sympathique adjectif passé hélas de mode !

Les Chouchous