vendredi 27 avril 2012
mardi 24 avril 2012
samedi 21 avril 2012
jeudi 19 avril 2012
mardi 17 avril 2012
lundi 16 avril 2012
Opéra-Fantôme (38)
- Oui, mais depuis une semaine les contraintes de ma vie de
femme ordinaire ne correspondent pas à ses attentes de chat.
-Pourtant... la maison est bien calme ces temps-ci !
-Oui, la plupart du temps, mais figurez-vous que la semaine
dernière, mon amie…mais peu importe, vous ne la connaissez pas ! Donc
cette amie vient me voir accompagnée de ses deux filles et d’un bouledogue,
vous savez, les petits, noirs, marrants… Jasmine l’a trouvé horrible, bruyant,
remuant ; elle est allée bouder sous les thuyas du voisin.
-Mais non… ils ont de beaux yeux…Bon, nous autres humains,
avons ri, bavardé et pour finir fait des crêpes avant leur départ. Après quoi,
la chipie en a profité pour disparaître et ne rentrer qu’à cinq heures du
matin. Imaginez mon désarroi !
-J’imagine bien dit en riant Marlon..
Mais c’est que le lendemain, elle a tenté de récidiver,
mais comme en ce moment, il fait encore jour à six heures du soir, elle s’est
fait avoir !
Et ce n’est pas tout continua Estournelle, voilà que le jeudi,
un voisin vient prendre le thé et changer ses livres (J’officie aussi à
domicile, comme vous savez) accompagné de son boxer. Jasmine qui siestait sous
l’épicéa n’en est pas revenue:
- Horreur ! a-t-elle, ils les ont aussi en king
size !!!
Marlon souriait « Oh, comme je la comprends !
-Bon, c’est votre opinion et aussi la sienne, mais j’ai du mal à
comprendre son animosité, car après tout, étant d’origine persane, elle aussi
fait partie de la grande tribu des « Nez Froncés ».
-Ce n’est pas pareil, voyons !Jasmine a d’admirables
yeux turquoise, elle ne ronfle pas comme un aspirateur asmathique, elle est
gracieuse, d’un calme olympien..
-Je vous en prie… pas de flagornerie ; elle a en tout
cas un fort mauvais caractère et donc voilà que la jeune personne a tenté de
disparaître, mais une assiette de dindonneau coupé menu l’a circonvenue. Alors,
dépitée, elle est montée à l’étage et a fait un pipi vengeur sur une étoffe à
laquelle elle pensait que je tenais beaucoup. Feintée, la minette : ce
n’était qu’un vieux dessus de table plus que trentenaire en route pour finir
ses jours dans le garage.
Cependant, je suis désolée de l’avoir contrariée à ce point
et depuis je fais des bassesses pour rentrer dans ses bonnes grâces…. »
Enfoncé dans le grand fauteuil de cuir, Marlon buvait du thé, sans trop écouter
le récit des scènes de ménage entre Estournelle et sa chatte. Il pensait à
Soline… Comment aborder le récit de cette impalpable rencontre avec une amie si
chaleureuse et si peu sentimentale ? Il l’avait entendue entretenir le
moral de ses copines éplorées de manière énergique sinon discutable. Et de ses
sentiments à elle, elle ne parlait jamais. Elle laissait son époux aller et
venir à sa guise, semblant parfois soulagée de le savoir ailleurs. Etait-ce une
attitude, un voile destiné masquer ses sentiments réels ? une carapace durcie au fil des
ans ? Elle ne parlait d’amour qu’à travers littérature ou poésie. Toute sa
tendresse allait à ses chiens, ses chats ou son cheval. Les humains n’avaient
droit qu’à son amitié dont elle professait qu’elle valait mieux que l’amour,
puisqu’une amitié nouvelle ne chassait pas l’ancienne. Elle était une amie
remarquable : chaleureuse, attentive, dévouée parfois jusqu’à l’absurde. Jamais
maternelle cependant ; elle était, pensait Marlon, la grande sœur idéale.
Allait-il, à cette grande sœur, confier sa nostalgie ?
Il redoutait le commentaire ironique et de bon sens qu’elle était capable de
lui asséner. En avait-il vu depuis qu’il la fréquentait, des romances assassinées
d’un calembour plein d’à-propos ? Médecine efficace selon les amies d’Estournelle,
mais qu’il ne tenait pas à s’administrer.
Allons, décida-t-il, pas de confidences, retournons à nos
vieux papiers…et après tout…
combien sommes-nous, à n’avoir
d’autre vie affective que le deuil d’amours saccagées ? »
lundi 9 avril 2012
vendredi 6 avril 2012
Opéra-fantôme(33)
La neige tomba toute la nuit et
c’est dans un décor de carte postale que se montra le jour suivant. Le soleil
brillait sur les arbres givrés ; tous avaient une envie enfantine de
laisser les traces de leurs pas sur la neige intacte des sentiers. Ils
montèrent au château réveiller Marlon qui pour leur laisser la place avait dû
non sans appréhension rentrer dormir dans son chantier en compagnie des
revenants qui, ayant décidé de fêter Noël entre eux, ne se manifestèrent pas.
Le parc redevenu forêt les
invitait à la promenade. Toufette, la chienne aimée d’Estournelle, sautait et
hurlait de joie , galopait en tous sens et finit par filer dans le
sous-bois derrière un chevreuil qui avait traversé l’allée. Estournelle inquiète,
s’égosillait à la rappeler. On n’entendit plus rien pendant quelques minutes,
puis des hurlements de détresse firent blêmir sa maîtresse.
-« Si elle crie, c’est
qu’elle est vivante ! » la rassura Ysolan impavide comme à l’ordinaire.
Furieuse, elle l’assassina du regard avant de courir vers les fourrés d’où
provenaient les abois désespérés de la fugitive.
Traverser un roncier enneigé,
vieux de plusieurs années ne fut pas une mince affaire. Mais rien n’arrête la
mère affolée d’un chien en danger, Griffée, trempée, Estournelle finit par
localiser sa chienne au fond d’une large fosse, profonde de quelques mètres et
dont les bords de pierre très droits rendaient le sauvetage difficile. Un épais
matelas de feuilles mortes avait amorti la chute et Toufette sautait comme un
cabri, grognait comme un porc, en essayant de sortir de là. « Une
échelle !glapissait Estournelle..
ou une corde… Ah mon Dieu ! Ah là là … du calme ma chérie… Elle va se
tuer… du calme… »
« Du calme toi-même !
intervint Ysolan, elle n’a rien ta chienne ! On va la sortir de là. Laisse-nous réfléchir. »
« Il faut sonder le fond pour
savoir s’il est solide et descendre, dit un des garçons qui était cascadeur, si
je peux descendre je vous passe la chienne et vous m’aiderez à remonter. »
« Il vaudrait mieux aller
chercher une corde dit Marlon, joignant le geste à la parole »
Mais le cascadeur, armé d’une
longue branche, avait évalué la solidité du fond et avait déjà sauté.
Toufette dans son affolement
avait gratté les feuilles mortes et la terre ; le garçon poussa un
cri angoissé.
« Elle est blessée, sanglota
Estournelle ! »
« Non, non, mais il y a une
main ! »
« Une main ? »
« Des os, je veux dire, un
squelette de main !!! oh, et même il y a tout le reste, dit le garçon qui
avait continué le travail de la chienne ; »
« Pour le coup, dit Marlon,
je vais chercher une échelle ! »
« Non, intervint Ysolan, ne
touchez à rien, il faut prévenir les gendarmes ! »
Trop tard ! On entendit un
cri perçant : une des filles à force de se pencher pour voir le squelette
était tombée dans la fosse. Toufette voyant de la compagnie s’était calmée et
sur le dos, pattes en l’air cherchait des caresses. Estournelle en revanche
sanglotait à s’étouffer suppliant qu’on lui rende sa chienne. L’identité du
squelette pour l’instant, elle n’en avait rien à faire.
Le reste de la troupe au
contraire s’agitait avec passion….Ysolan, redevenu pour la circonstance
capitaine de navire, calme et résolu, remit la troupe en ordre. Estournelle, sa
chienne sous le bras, fut envoyée à la maison avec mission de préparer du thé
pour tout le monde ; les filles devaient la suivre. Marlon, lui et les
« hommes » iraient à la gendarmerie.
jeudi 5 avril 2012
Opéra-fantôme (32)
Travel et Marlon, qui s’étaient perdus de vue, avaient été surpris de se retrouver chez
Estournelle. Surpris et pas mécontents au fond ; le hasard leur permettait
de se retrouver simplement, sans explications, sans justifications. Ils
ne s’étaient rien fait, rien dit, aucun mot regrettables, juste deux
lignes qui s’écartent et que le hasard rapproche.
Par une étrange coïncidence, il se trouvait
qu’Estournelle et Marlon, sans s’être jamais rencontrés ni avoir entendu parler
l’un de l’autre, étaient tous deux amis de Travel. Tous deux s’étaient rêvés
chanteurs et s’étaient connus grattant la guitare et courant le cachet
sans grand succès. Il leur était même arrivé, certains jours de dèche de faire
la manche ensemble devant les cinémas. Leurs destins s’étaient séparés quand,
après une famine prolongée, Estournelle avait accepté un petit emploi dans une
maison de disques où progressivement elle avait démontré un talent pour le
marketing et la communication qui dépassait de beaucoup ses capacités
musicales. Avec sagesse, elle avait renoncé à la bohème et était devenue en
quelques années une bonne attachée de presse. Dans la foulée, elle épousa
Ysolan, un marin. Femme de marin était la situation idéale pour Estournelle
éprise de liberté.
En contournant la quarantaine, elle perdit son job,
son ménage battait de l’aile. Tout ne peut pas aller bien tout le temps ;
elle coupa les amarres et partit vivre à la campagne dans une maison qu’Ysolan
avait achetée peu de temps avant leur mariage. Lui avait quitté la marine et trouvé
une retraite dans un phare désaffecté, et là dans la seule compagnie de
vent et des tempêtes, il apprit à jouer du violon.
Estournelle entra en dépression ; elle eut des
insomnies. Un jour, lassée des diverses médications qui l’enchaînaient à son
toubib, elle décida d’occuper ses nuits. Elle lut et comme on ne peut lire des
nuits entières sans réveiller son conjoint les jours où il dort là, elle prit
l’habitude en éteignant la lumière de se raconter des histoires. Certaines
l’intéressaient, mais il arrivait qu’elle en perdît le fil. C’est pour s’en
souvenir qu’elle prit l’habitude de les écrire.
Elle s’occupa enfin de ce qu’elle aimait vraiment :
ses animaux, son jardin, ses amis ; sa vie privée ne s’en trouva pas plus
mal, bien au contraire. Ysolan semblait heureux de trouver une maison ouverte
et chaleureuse quand il rentrait de l’autre bout du monde et connaissant le
plaisir que sa femme ressentait en racontant des histoires, il l’encourageait à
écrire un roman. Ce roman était pour Estournelle l’alibi qui lui évitait de se
déclarer femme au foyer. En réalité, elle écrivait bien sûr, de temps en temps,
mais il y avait toujours une plantation urgente, une nouvelle recette de
confiture à expérimenter qui l’empêchaient de « se concentrer ».
Il y avait aussi ses amis, plus nombreux en été et parmi eux, Travel,
devenu réalisateur. Il venait souvent dans la maison de son amie, il s’y sentait bien et rentrait à
Paris un peu moins oppressé.
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Par le plus grand des hasards et l’efficacité des marchands
de bien, Marlon avait au début de l’automne, acheté les Authieux et fait
la connaissance d’Estournelle. Il avait liquidé son appartement parisien,
gardant juste une chambre de bonne. Tous ses meubles, ses instruments de
musique, sa sono, tout était installé au manoir. Il était certain d’y trouver
le calme et la concentration dont il avait besoin pour enfin composer une
musique bien à lui. Son entourage parisien leva les bras au ciel ; on
parla de suicide professionnel. Marlon s’en moquait ; il serait heureux
aux Authieux et il le fut. Enfin, autant qu’il pouvait l’être.
D’abord il y avait cette oeuvre qu’il portait en lui mais
dont il ne pouvait accoucher et puis il y avait Soline. De cette fille, il
n’avait pas parlé à sa voisine ; pas encore. D’ailleurs, qu’aurait-il pu
en dire ? Il ne savait presque rien d’elle, même pas son nom de famille et
il s’était passé entre eux si peu de choses. Une aventure d’une nuit comme il
en avait tant connu. S’il en avait parlé c’est ce qui serait ressorti des faits
énoncés, alors qu’il en gardait une impression d’une force étonnante.
Ce fut un joyeux Noël avec dinde,
sapin, feu de bois et nombreux desserts. Les parisiens fatigués et les
campagnards habitués à se coucher tôt ne purent veiller longtemps.
mercredi 4 avril 2012
Opéra-fantôme (31)
Lise, silencieuse écoutait de
toutes ses oreilles tandis qu’Angélique, enfin à son affaire, dans la
conversation mondaine retrouvait une partie du charme que la campagne lui avait
fait perdre. Pierre tout à fait largué dès lors qu’on ne parlait plus chasses,
forêts ou cultures se leva pour raccompagner le curé qui en avait bien assez
entendu. Mariette aurait bien aimé rester mais par solidarité envers son époux,
elle prit congé sous couleur d’aller vérifier que tout était prêt dans les
chambres pour les hôtes imprévus.
On eut besoin de plusieurs jours
pour remettre en état l’équipage des baladins. Il fallut faire monter un
charron aux Authieux ; on eut aussi besoin de matériel. Le mauvais temps
ralentissait le travail ; tantôt il pleuvait et les routes étaient
glissantes, puis il gelait et les voitures auraient patiné, bref, on ne pouvait
guère sortir. Personne ne songea à s’en plaindre ; les habitants du
château avaient de la visite distrayante et les baladins étaient mieux aux
Authieux que sur les routes. On apprit à se connaître.. ;
Qui pourrait dire les hasards et
les passions qui avaient conduit une poignée de baladins sur les routes
boueuses du Thymerais en hiver ? Quel Dieu malin les avait renversés un
soir de Noël dans les fossés du château des Authieux ?
Estournelle n’en savait rien…
Le vieux monsieur qui avait
précédé Marlon et qui lui avait raconté une partie de l’histoire était mort
sans lui en révéler la fin. Si ses héritiers ne l’avaient pas trouvé, le
coffret renfermant le journal de Louis et divers autres documents était resté
dans sa cachette quelque part dans la bibliothèque. Il appartenait désormais au
compositeur de le retrouver…
Le compositeur, au village, on le
nommait l’Artiste, le Parisien, ou encore pour les plus sympathisants, le
Monsieur du Château. C’est dire qu’il ne faisait pas partie et n’était pas près
de devenir membre à part entière de la population indigène. A ce titre, on
avait pour lui peu d’égards. On le soupçonnait riche et l’avancement des
travaux commandés par lui était inversement proportionnel au montant des factures
qu’il avait l’ingénuité de régler sans délai et parfois même avant l’achèvement
du chantier.
Il ne pouvait toujours pas loger
convenablement chez lui ; les revenants non plus. Dérangés sans doute par
ce remue-ménage, ils avaient dû se réfugier dans les caves ou les greniers.
Marlon, quand il passait une nuit aux Authieux, ne les entendait plus. Le reste
du château étant encore moins habitable que la partie en travaux, il lui
arrivait souvent de dormir chez Estournelle qui lui avait prêté une chambre où
abriter son matériel et sa personne.
Ysolan présent ou non, ils
passaient de longues soirées à épiloguer sur l’histoire des Authieux et le
destin de ses hôtes du temps passé.
Noël arriva.
Période problématique… La famille
d’Estournelle, les Sanzoiseaux, se
voulant originale à tout prix, par défi, ne fêtait jamais Noël ni les
anniversaires, ni aucune fête officielle ; moyennant quoi, on ne fêtait
jamais rien. Aussi avait-elle pris l’habitude de recevoir ce soir-là ceux
qu’elle nommait ses chiens errants, solitaires de toutes provenances.
Ysolan avait perdu sa mère
quelques années auparavant, le reste de sa famille vivait à l’étranger ;
Marlon, enfant de la DASS,avait grandi trimballé de foyer d’accueil en foyer
d’accueil dont il ne gardait pas que de
bons souvenirs et ses amis parisiens n’avaient aucune envie de venir
s’embourber dans le Thymerais en hiver
Cette année-là, Estournelle jeta
son dévolu sur Travel qui arriva flanqué de sa copine du moment, elle-même
escortée d’une copine destinée à Marlon et d’une poignée de comédiens et
techniciens avec lesquels il travaillait à ce moment-là. Elle savait recevoir
et Ysolan, une fois décidé à sortir de sa réserve pouvait se montrer un hôte
agréable ; il avait quand il en usait, un humour assez subtil.
Ce fut un joyeux Noël avec dinde,
sapin, feu de bois et nombreux desserts. Les parisiens fatigués et les
campagnards habitués à se coucher tôt ne purent veiller longtemps.
mardi 3 avril 2012
Opéra-fantôme (30)
Un chariot versé dans le fossé,
une roue cassée ; quatre forts chevaux broutant l’herbe maigre du
talus ; dans un carrosse dételé, trois femmes d’âges variés, grelottantes
de froid, et autour de ce triste équipage, trois hommes désemparés devant la
catastrophe, aux hardes bousculées par le vent de décembre. Voilà sous quelle
forme se présentait ce soir- là, l’Hôte
de Noël aux alentours des Authieux. L’équipe envoyée du château eut tôt fait de
rapatrier les naufragés à la lueur des torches ; les voitures furent
laissées où elles étaient jusqu’au lendemain ; il ne pouvait de toutes
façons plus rien leur arriver de pire. Les chevaux bouchonnés ne boudèrent pas
les stalles sèches et les mangeoires garnies de foin et d’orge ; dans la
salle à manger, on fit de la place à table pour les nouveaux arrivants…
Un peu fripés, les nouveaux
arrivants, et mal réchauffés. Leurs chambres n’étaient pas faites et ils durent
se présenter à table tels qu’on les avait sortis du fossé.
Des baladins ! Voilà ce que
pensèrent tous les convives… mais comme l’expression aurait été différente si
chacun l’avait exprimée à voix haute !
Des baladins ! se serait
récrié le curé avec toute l’indignation du saint homme auprès de qui l’on place
des excommuniés.
Des baladins … aurait
murmuré Angélique avec un certain mépris qu’un peu de curiosité aurait bientôt
remplacé ; après tout, les baladins venaient de Paris…
Des baladins, se serait étonnée
Lise qui n’en avait jamais vu…
Des baladins aurait pensé
Mariette inquiète pour le linge et l’argenterie ; on ne sait pas d’où
viennent et de quoi sont capables ces gens-là
Des baladins réfléchissait Pierre
songeant à les loger d’une façon convenant à leur état.
Des baladins se réjouissait
Louis… et aussi… des baladines, ma foi, et son œil devenait coquin.
Des baladins, méditait Rinaldo et
surtout ce grand, là qui se tait … Etrange personnage ! immense
adolescent fripé, aux membres trop longs, au visage imberbe à peine visible
entre un col remonté et un amas d’écharpes.
Une légère bouffissure dénonçait l’obésité qui l’aurait guetté, n’eut
été l’état de famine auquel il était réduit. Il
semblait être le souffre-douleur de la troupe et de toute la soirée, on
n’entendit pas le son de sa voix. De ces grands- là , il en avait vu beaucoup,
naguère en Italie, au conservatoire. Qu’était-il venu faire en France où l’on
n’aimait pas beaucoup ses pareils ?
Réchauffés, nourris réconfortés,
les baladins n’hésitèrent pas à satisfaire les curiosités de leurs hôtes ;
ils avaient quitté Paris depuis peu et savaient les derniers potins des
salons : Le Grand Cyrus venait de paraître ; Georges de Scudéry
l’avait signé, mais tout le monde savait que c’était Madeleine, sa sœur qui
l’avait rédigé. Et puis, ces Scudéry avaient pris le parti,( c’était clair à la
lecture du roman), de la duchesse de Longueville et des frondeurs. Paris
s’était encore une fois trouvé sens dessus dessous ; la Grande
Mademoiselle avait fait tirer les canons de la Bastille contre les troupes du
Roi, son cousin. Enfin, la Régence était finie ; le roi était majeur
désormais et imaginez : le roi avait dansé le ballet de Cassandre. Il a
dit-on la jambe fort belle et danse à merveille. Tout comme son père,
savez-vous ? Le roi défunt dansait aussi… et composait ; il était
capable de composer et mettre en scène un mélodrame. Oui, le fils autant que le
père est musicien… mais… imaginez : il a pris un maître de guitare …
un maître de guitare ?? Mais oui : Bernard Jourdan de la Salle !!!
La guitare ? Mais… ce n’est pas un instrument noble, la guitare ! Un
roi devrait... jouer du luth, enfin ! C’est l’influence italienne,
certainement… enfin… il est parti le Cardinal… et patati et patata et bla,bla,
bla…
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