Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

samedi 25 septembre 2010

Princesse Rosette (5)

Ce chemin n’était pas meilleur que le premier ; ses hardes ni ses débris de souliers ne la protégeaient plus ; c’est le corps déchiré par les ronces et les pieds en sang qu’elle parvint au sommet ; dans le soleil couchant, elle put voir le fond du deuxième vallon. Pas de cerf blanc, mais un renard assis la queue enroulée autour des pattes qui regardait dans sa direction, malicieusement lui sembla-t-il. Elle se souvint des propos de sa marraine : son grand-père le magicien aimait à changer d’apparence. Elle fut bien vite au fond du vallon, mais du renard, elle n’aperçut que le panache disparaissant dans les broussailles. Elle poussa un gros soupir en se laissant tomber sur des rochers qui bordaient une cascade. Elle était sale, à moitié nue et griffée de partout ; ses boucles blondes ressemblaient désormais aux ronciers qu’elle avait du traverser ; ses pieds n’étaient plus qu’une plaie et ses souliers un souvenir. Ravalant les larmes qu’elle sentait monter à ses yeux, elle chercha de quoi se nourrir et ne trouva rien. Remerciant en pensée le merle, elle croqua les noix qui restaient dans ses poches. Elle était si fatiguée, qu’elle s’endormit sans penser à chercher un abri.
Les oiseaux lui servirent de réveille-matin. La cascade tombait dans un bassin entouré de roseaux. Un saumon s’ébrouait dans l’écume argentée par les rayons du soleil levant. Rosette eut envie d’en faire autant et ôta ce qui lui restait de vêtements. Le saumon nageant devant elle lui fit découvrir des œufs de canne, nichés dans les roseaux. Rosette était princesse mais elle savait gober un œuf. Certaine de n’être vue que du saumon et peut-être du renard, mais allez savoir, elle s’étendit au soleil sur les rochers. Quand elle fut sèche et réchauffée, elle abandonna sa robe en lambeaux, ses souliers désormais inutiles, croqua encore quelques noix et, pieds nus et en jupon, prit la route de la troisième montagne qui s’élevait à l’horizon.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je ne puis que dire Ah! Très belle plume. Les phrases emboitent les images, les images s'échappent des phrases.

Les Chouchous