Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

samedi 20 mars 2010

Le lendemain, le roi vint visiter ses enfants et ne voyant pas les garçons, il demanda où ils étaient. L’enfant en larmes lui raconta comment ses frères s’étaient envolés et l’avaient laissée toute seule. Le père en eut un chagrin fou mais n’imagina pas un seul instant que son épouse était la cause de cette disparition. De crainte que la petite princesse ne disparaisse aussi, il voulut l’emmener avec lui ; mais comme elle ne voulait pour rien au monde habiter avec sa belle-mère, elle pria le roi de la laisser encore une nuit dans le château de la forêt. Il accepta. La jeune princesse attendit le soir et, quelques affaires rassemblées dans un baluchon, elle partit à la recherche de ses frères.
Elle marcha toute la nuit, elle marcha tout le jour, puis enfin elle tomba de fatigue devant une hutte ; épuisée, elle entra. Il y avait là six petits lits ; elle se faufila sous l’un d’eux et allongée sur le sol dur et froid elle tâcha de s’endormir. Le soleil allait se coucher quand elle entendit un bruissement d’ailes, puis elle vit six cygnes entrer par la fenêtre. Posés sur le sol, ils soufflèrent les uns sur les autres et leurs plumes s’envolèrent. Il y avait là six garçons en petite chemise : ses six frères. Elle sortit de dessous le lit pour les embrasser. Ils étaient si heureux de se retrouver ! Mais bien vite les garçons devinrent soucieux :
-« Cette maison est une maison de brigands, tu ne peux pas y rester, car s’ils te trouvent, ils te tueront ! – Mais vous allez me protéger ? – Impossible ! Nous ne sommes humains que pendant un quart d’heure chaque soir au coucher du soleil ; ensuite nous redevenons cygnes. »
La soeur se mit à pleurer : « Ne peut-on vous sauver ? – C’est bien trop difficile ! Il faudrait que tu restes pendant six ans sans parler ni rire et que pendant ce temps, tu nous confectionnes six chemises tissées de fleurs. Un seul mot sorti de ta bouche rendrait ta peine inutile ! »
A peine le frère avait-il fini de parler, que le quart d’heure écoulé, ils étaient tous redevenus cygnes. Ils s’envolèrent comme ils étaient venus, par la fenêtre.
La jeune sœur était bien décidée à sauver ses frères, quoiqu’il pût lui en coûter. Elle quitta la hutte, retourna au cœur de la  forêt où elle passa la nuit perchée dans un arbre. Le lendemain, elle passa sa journée à rassembler des fleurs ; puis elle remonta dans son arbre et commença à filer, à tisser et à coudre. Elle était triste et n’avait personne à qui parler. Rien ne pouvait la distraire de sa tâche et elle ne bougeait que pour aller ramasser d’autres fleurs. Les années passèrent….



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