Insensé celui qui somme le rêve de s'expliquer - Jean RAY - Malpertuis

lundi 6 juillet 2009

Les trois cheveux d'or du Diable (3)



Le diable était absent ; sa compagne l’attendait assise dans un grand fauteuil. « Que veux-tu ? » dit-elle aimablement.
« Pour mériter ma femme, que j’aime tendrement, il me faut prendre trois cheveux d’or sur la tête du diable ! »
« Trois cheveux ! Il ne te laissera pas faire ! Il ne faudrait même pas qu’il te voie ou alors gare à toi ! Mais tu me plais et je vais t’aider. »
Aussitôt, elle le changea en fourmi et lui dit de se cacher dans les plis de sa robe.
« Merci dit le garçon, mais il me faut aussi pour pouvoir rentrer chez moi, savoir trois choses. »
« Lesquelles ? »
« Pourquoi une fontaine qui donnait du vin ne donne même plus d’eau ; pourquoi un arbre qui portait des pommes d’or ne porte même plus de feuilles et si le passeur de la rivière doit rester à son poste sans jamais être remplacé. »
« Il n’est pas facile de répondre à ces questions ; aussi écoute bien ce que dira le diable quand le lui arracherai ses trois cheveux d’or. »
Le soir, le diable rentra chez lui ; il se mit à renifler partout : « Je sens, je sens… comme une odeur de chair humaine ! » Et il se mit à fouiller partout ; sa compagne se fâcha : « As-tu bientôt fini ? Tu crois toujours sentir de la chair humaine et moi, j’ai tout balayé et tout rangé, et tu ne vas pas tout bouleverser pour rien ! Viens t’asseoir et mange ta soupe ! ».
Le diable était fatigué ; sa soupe à peine finie, il posa sa tête sur les genoux de sa compagne pour qu’elle lui cherche des poux. Bientôt il s’endormit et se mit à ronfler. Elle en profita pour arracher un cheveu qu’elle mit dans sa poche. « Aïe ! cria le diable, tu me tires les cheveux ! »
« C’est que j’ai fait un cauchemar et je t’ai pris par les cheveux ! »
« Qu’as-tu donc rêvé ? »
« J’ai rêvé d’une fontaine qui versait du vin et qui s’est tarie au point de ne même plus verser d’eau, et je me demandais pourquoi ? »
« Ah, si on le savait ! on enlèverait le crapaud qui est sous une pierre et qui bouche la fontaine ; le vin se remettrait à couler. »
Sur ce, la diablesse se remit à lui chercher des poux et le diable se rendormit. Bientôt il ronfla si fort que les vitres se mirent à trembler. Elle arracha un deuxième cheveu.
« Mais ça va pas ? hurla le diable en colère, tu me fais mal ! »
« C’est encore un cauchemar ! »
« Qu’as-tu rêvé cette fois ? »
« J’ai rêvé d’un arbre qui portait des pomme d’or et qui ne porte même plus de feuilles ! Qu’est-ce que cela signifie ? »
« Ah, si on le savait ! On chasserait la souris qui ronge ses racines et l’arbre porterait de nouveau des fruits ; et d’ailleurs, si on ne le fait pas, l’arbre mourra tout à fait. Et maintenant, fiche moi la paix avec tes rêves. Si tu me réveilles encore une fois, tu auras une calotte ! »
La diablesse l’apaisa et se remit à lui chercher des poux jusqu’à ce qu’il se rendorme et se remette à ronfler. Elle arracha le troisième cheveu d’or. Cette fois le diable se leva en criant. Il voulait la battre mais elle le calma : « Comment peut-on éviter un cauchemar ? »
« Qu’es-tu allée rêver encore ? »
« C’est un passeur, cette fois : il se plaignait de devoir éternellement passer l’eau avec sa barque sans que personne vienne jamais le remplacer .»
« Quel sot ! Il n’a qu’à mettre sa rame dans la main du premier qui voudra passer la rivière et il sera libre ; c’est l’autre qui devra prendre sa place. »
Maintenant qu’elle avait les trois cheveux d’or et les trois réponses, la diablesse laissa son diable dormir jusqu’au matin.

1 commentaire:

FRANKIE PAIN a dit…

sais ma chère pomme, que quand on cherche un conte et que tu l'as mis sur ton blog on tombe sur ton blog
c'est génial
tendresse oralité, éclats de rires , chasons au feu de la fraternité
fran pain

Les Chouchous